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longue pour faire tolérer l’effroyable hérésie que voici : je crois en vérité que le paysan toscan a beaucoup plus d’esprit que le paysan français, et qu’en général le paysan italien a reçu du ciel infiniment plus de susceptibilité de sentir avec force et profondeur, autrement dit, infiniment plus d’énergie de passion.

En revanche, le paysan français a beaucoup plus de bonté, et de ce bon sens qui s’applique si bien aux circonstances ordinaires de la vie. Le paysan de la Brie qui a mille francs déposés dans une maison de banque ou prêtés sur hypothèque est rassuré par l’idée de cette petite fortune. La possession d’un capital de mille francs consistant en autre chose qu’un fonds de terre est au contraire le pire sujet d’inquiétudes que l’on puisse donner à un paysan italien. J’excepte le Piémont, les environs de Milan et la Toscane ; j’excepte surtout l’État de Gênes, où le territoire ne produisant pas assez de blé pour la subsistance des habitants, tout le monde est négociant. Sans être sorties de notre belle France, les personnes qui ont voyagé dans le Midi savent que la bonté est rare parmi les paysans. Le quartier général de la bonté est Paris ; elle règne surtout à cinquante lieues à la ronde.