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Les Toscans me représentent l’état des bourgeois de l’Europe à la cessation des violences du moyen âge. Ils dissertent sur la langue et sur le prix des huiles, et, du reste, craignant si fort le trouble, même celui qui mènerait à la liberté, que, sollicités par un nouveau Cola di Rienzi, probablement ils se battraient contre lui et pour le despotisme actuel. À de tels hommes, il n’y a rien à dire : gaudeant bene nati. Tel serait peut-être l’état de torpeur de la plus grande partie de l’Europe si nous avions eu un gouvernement assoupissant comme celui de la Toscane. Ferdinand a compris qu’il n’avait ni assez de soldats ni assez de courtisans pour vivre heureux au milieu de l’exécration publique. Il vit en bon homme, et on le rencontre seul dans les rues de Florence. Le grand-duc a trois ministres, dont un ultra, M. le prince Neri Corsini, et deux fort raisonnables, MM. Fossombroni, géomètre célèbre, et Frullani ; il ne les voit qu’une fois par semaine, et ne gouverne presque pas. Chaque année Ferdinand III commande pour trente mille francs de tableaux aux mauvais peintres que lui désigne l’opinion publique, qui les admire ; chaque année aussi il achète une ou deux belles terres. Pour peu que le ciel conserve cet homme raisonnable à la Toscane, je suis convaincu qu’il finira par lui pro-