Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, II, 1927, éd. Martineau.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nathan est passionné pour sa religion, et pousse à un point étonnant une sorte de philosophie tranquille et l’art fort utile de payer peu pour toutes choses. Nous nous sommes revus avec beaucoup de plaisir. Il m’a conduit à l’instant, pour ne pas se séparer de moi et comme son associé, chez un homme auquel il a vendu dix louis une excellente pierre gravée de Pickler. Le marché, qui a duré trois quarts d’heure, m’a semblé court ; excepté l’énonciation du prix, on n’y a pas prononcé un seul des mots qu’un Français eût employés en pareille occurrence. L’Italien qui achète une bague songe à faire collection pour ses descendants ; acquiert-il une estampe de trente francs, il en dépensera cinquante pour la transmettre à sa postérité dans un cadre magnifique. J’ai vu à Paris M. le baron de S*** dire en achetant un livre rare : Il se vendra cinquante francs à ma vente (c’est-à-dire à la vente qui suivra son décès). Les Italiens ne savent pas encore que rien de ce que fait un homme riche ne lui survit dix ans. La plupart des maisons de campagne où l’on a bien voulu me recevoir appartenaient à la même famille depuis un siècle ou deux.

Nathan m’a conduit ce soir dans une société de riches marchands, sous le