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puis me le dissimuler, j’ai de l’amour pour le moyen âge de l’Italie[1].

29 janvier. — Florence a sur l’Arno quatre beaux ponts, situés à distances à peu près égales, et qui forment, avec les quais et la colline du midi, garnie de cyprès se dessinant sur le ciel, un ensemble admirable. Cela est moins grandiose, mais bien plus joli que les environs du célèbre pont de Dresde. Le second des ponts de Florence, en descendant l’Arno, est chargé de boutiques d’orfévrerie. C’est là que j’ai rencontré ce matin un lapidaire juif, avec lequel jadis je faillis me noyer ;

  1. Je supprime toutes mes descriptions de tableaux. M. le président de Brosses a dit cent fois mieux (tome II, pages 11 à 67). Le bon goût de ce contemporain de Voltaire m’étonne toujours. Quant à M. Benvenuti et aux autres peintres venus depuis 1740, les tableaux de Girodet et des autres élèves de l’immortel David, font plaisir à voir, si on les compare à la Mort de César, aux Travaux d’Hercule, à la Judith de M. Benvenuti. Comme les Florentines sont infiniment plus belles que les femmes nées à Paris, on trouve dans ces tristes tableaux quelques têtes d’un contour agréable. Ce qui rend si insipides les ouvrages de nos artistes modernes, c’est que le gouvernement s’obstine à ne commander que des tableaux de miracles à des gens qui n’ont peut-être pas toute la ferveur de Fra Bartolomeo. Pour courir la chance d’être quelque chose, il faut agir, peindre ou écrire sous la dictée de ses passions. Les artistes florentins, suivant toute apparence, sont trop sensés pour éprouver de ces mouvements inconvenants et dispendieux qu’on homme passions. Sous ce rapport, ce sont des gens du meilleur ton. Je n’ai rien vu en Italie, parmi les tableaux modernes, qui rappelle, même de loin, je ne dirai pas la grâce céleste de Prudhon, mais la Peste de Jaffa, ou la tête de la Didon de M. le baron Guérin.