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en vain un mot pour me tirer d’affaire, et que je devenais gauche à vue d’œil, le cardinal redit deux ou trois fois : « Monsieur I-o-bez-dou-i-ou-ra. — C’est donc un personnage bien puissant, ajoute-t-il enfin, que ma question vous embarrasse ? » Faute de mieux, je n’ai protesté que faiblement du peu de terreur que m’inspirait monsieur I-o-bez-dou-i-ou-ra. « Il a bien mal mené votre ministre de la guerre », ajoute le cardinal. Ce mot me rend la vie ; j’ai vu qu’il s’agissait de M. Jobez du Jura. Après ma réponse : « C’est Paris, a dit en soupirant le cardinal Lante, qui est la capitale du monde ; un homme qui monte à la tribune est connu en Europe. — Éminence, Rome a été deux fois la maîtresse du monde sous Auguste comme sous Léon X, et j’admire bien plus la seconde fois que la première. » Je note une réponse aussi simple parce qu’il est toujours indispensable de flatter un Romain sur Rome ; c’est comme un Français vulgaire sur la gloire de nos armées, la victoire, etc. Le cardinal a repris d’un air rêveur : « Oui ; mais si vous Français, vous continuez à être les maîtres de l’opinion, que sera Rome dans cent ans ? » L’aide de camp du cardinal me dit, comme fait sérieux, mais sans louer ni blâmer (cette nuance caractérise le prélat romain), que Ravenne, petite ville de douze mille