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unique vit avec les maîtres, et d’ailleurs est trop occupée pour jaser avec les enfants ! Un homme sage de ce pays qui a des enfants, s’il a la folle envie de n’avoir pas l’âme navrée par leurs sottises, à dix-huit ans, doit prendre des domestiques allemands, ou au moins des Laghistes (riverains du lac de Come et du lac Majeur). Le crime est aussi rare à Palanza ou à Bellagio qu’en Ecosse. Les préjugés donnés par de bons Allemands étant différents de ceux du pays prendront moins sur l’esprit des enfants. Il y a quinze jours que, près de la Poretta, le peuple d’un village était terrifié à la lettre par un spectre noir qui se montrait dans les airs. Les partisans des Français niaient le spectre et passaient pour des impies qui attireraient des malheurs au pays ; et, ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’il ne niaient que du bout des lèvres. L’immense majorité mourait de peur ; ce dont les prêtres profitaient pour faire des allusions à la fin du monde.

Un peu plus, et ce peuple, dont l’âme a été pétrie par les moines mendiants, devenait fou. Les paysans ne labouraient plus que le nez en l’air, pour voir si le diable ne venait point les enlever. Force messes furent dites, force scapulaires portés par les bûcherons ; car cette classe estimable semblait surtout menacée par le