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Il rêvait quelquefois à ce que nous disons de lui en 1816. Que je voudrais que l’âme fût immortelle et qu’il pût nous entendre !

29 novembre. — J’ai assisté aujourd’hui à un pique-nique délicieux par la naïveté et la bonhomie, et toutefois on ne peut pas plus gai. Il n’y avait que juste le degré d’affectation qui porte à parler et à chercher à plaire, et, dès le second service, excepté un être ridicule, nous nous croyions tous intimes amis. Nous étions sept femmes et dix hommes, entre autres l’aimable et courageux docteur Razori. On avait choisi Vieillard, traiteur français, et sans comparaison le meilleur du pays. Sa femme, madame Vieillard, femme de chambre de madame de Bonténard, jetée ici par l’émigration, a commencé par nourrir ses maîtres ; ce dévouement l’a mise à la mode. Elle est remplie d’esprit, de vivacité, d’à-propos, et fait des épigrammes aux gens qui dînent chez elle. Elle a donné des sobriquets à trois ou quatre fats de la ville, qui la redoutent fort. À la fin du repas elle est venue nous voir, et l’on s’est tu pour l’écouter. Les femmes lui ont adressé la parole comme à une égale ; madame Vieillard a cent ans, mais c’est une petite vieille fort propre.