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FÉDER


à Viroflay faire une scène. Quel parti n’eût pas tiré d’une telle démarche Delangle, avec ses soupçons !

Ne jamais parler d’amour à madame Boissaux, tout en faisant tout ce qu’il fallait pour porter sa passion jusqu’au délire, et si cette passion était sincère, réelle, tel était le plan de conduite auquel Féder s’était arrêté plus par timidité que par bon calcul. Car, si madame Boissaux avait une passion réelle, elle pouvait se compromettre, ce qui fermait la porte de la maison à Féder. Mais sa timidité, sa peur de fâcher madame Boissaux, voulaient la forcer à parler la première, ce qui amenait nécessairement une conclusion décisive. Cependant, comme il était hors de sa puissance de lui rien cacher, il lui avoua l’extrême terreur que lui causaient les soupçons de Delangle, ce qui amena un singulier dialogue entre une femme fort pieuse de vingt-deux ans et un homme de vingt-six qui l’aimait à la folie.

— Que devenir, s’il dit à M. Boissaux que tous les soins que je prends pour faire réussir les rêves de son ambition s’expliquent par un mot : je vous aime à la folie ? que répondre ?

— Nier résolument une passion qui serait si criminelle.

— Mais, si un homme qui a à peine