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FÉDER


plaire en leur donnant une part réelle dans d’excellentes spéculations ; mais j’ai une garde à carreau. Dans le cas, fort probable, où ces messieurs voudraient me tirer une carotte un peu trop forte, je leur opposerai la volonté ou le caprice de la femme aimable dont, si souvent, ils auront vu briller l’esprit à nos dîners du vendredi ; et, par ce moyen, je pourrai défendre mon argent sans qu’ils puissent douter raisonnablement de mon dévouement à leurs intérêts.

On voit, par cette conversation, que Féder avait mieux fait que d’accoutumer son oreille à souffrir la voix effroyable du vice-président ; il recherchait sa conversation au point d’amadouer sa vanité féroce, au point de lui faire comprendre quelques idées nécessaires à sa fortune. Si Féder n’était pas riche, il affichait du moins un respect infini pour les êtres heureux qui avaient une fortune. Boissaux était donc sûr d’être vénéré par lui, car il l’avait traité comme un de ses nouveaux amis, choisis parmi les gens à argent, les receveurs généraux, etc. Il lui avait fait voir avec une négligence apparente (on peut juger du succès avec lequel le lourd et cupide M. Boissaux jouait la négligence apparente), il lui avait fait voir, disons-nous, divers papiers, desquels résultait