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FÉDER


raux et de riches banquiers. Mais Valentine n’avait point encore d’opinion sur la terre ; elle se promit d’en parler à Féder. Quand aux tirades d’éloquence énergique que M. Boissaux infligeait à ses hôtes, elle ne les avait point remarquées ; elle avait pris insensiblement l’habitude de ne rien écouter des choses que l’on disait dans les lieux où se trouvait Féder, et il était toujours de ses dîners. On pouvait faire sur eux une remarque bien dangereuse dans le fait qu’elle dénonçait : les regards qu’ils s’adressaient étaient beaucoup plus intimes que leurs paroles. Si un sténographe eût saisi et imprimé leurs dialogues, il eût été possible de n’y voir que de la politesse, tandis que leurs regards annonçaient bien d’autres choses, et des choses qui étaient bien loin d’être.

Précisément à ce dîner que M. Boissaux donna le vendredi pour se ménager cette belle sortie : « Pardon, messieurs, je suis obligé de vous quitter pour un rendez-vous d’affaires que j’ai dans ma loge à l’Opéra, » deux ou trois des dîneurs remarquèrent fort bien les regards par lesquels madame Boissaux sollicitait, à chaque instant, l’avis de Féder sur toutes les choses dont on venait à parler. Féder ne croyait pas manquer à ses serments d’indifférence en se donnant la peine d’en-