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ROMANS ET NOUVELLES


lequel, deux fois la semaine, vient lire avec moi les déclamations d’un nommé Benjamin Constant, autre pauvre diable, mort depuis peu d’années[1], et qui n’a jamais pu être rien, pas même de l’Institut, dont notre petit peintre Féder sera peut-être au premier jour.

Ce nom fit tressaillir madame Boissaux.

— Au reste, continua le vice-président, N…, le pair de France, m’a dit que l’on ne peut se croire homme d’État qu’autant que l’on se surprend habituellement à soutenir une opinion qui n’est pas la sienne. Pour commencer, je me moque constamment du jeune avocat qui vient m’enseigner, comme il dit, les principes du gouvernement de la France par la France. Je fais semblant d’être de l’opinion de son Benjamin Constant (quel nom de juif !), et ainsi je me montre supérieur à ce jeune Parisien. Car, comme le dit encore N…, le pair de France : « Celui qui trompe l’autre est toujours le supérieur, » etc., etc.

La loge à l’Opéra fut trouvée par Féder et louée d’emblée, et, pour peu que Valentine l’eût voulu, on se fût mis à chercher une terre dans un canton déjà suffisamment peuplé de receveurs géné-

  1. Mort à Paris, le 8 décembre 1830 ; son convoi eut lieu le 12.