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FÉDER

vrée de la vue de cette idée affreuse : être obligée de chasser Féder, ou, du moins, ne plus lui parler qu’en présence de M. Boissaux ou d’une femme de chambre. « Avec quelle promptitude, se dit Féder, sa physionomie prend la teinte de tous les sentiments de son cœur ! Ce n’est certes point là la bêtise provinciale, à laquelle je m’attendais. Mes excuses, adressées à la vanité, réussissent : doublons la dose. »

— Madame, s’écria-t-il de l’air le plus repentant, si je ne craignais que mon geste ne fût mal interprété et ne ressemblât à une hardiesse qui est si loin de mon cœur tremblant, je me jetterais à vos pieds pour vous demander pardon de l’abominable propos qui m’est échappé ; mon attention était entièrement absorbée par mon travail, et, en faisant la conversation avec vous, je pensais tout haut ; et, sans y songer, j’ai laissé arriver jusqu’à mes lèvres un sentiment dont la manifestation m’est interdite. Daignez, de grâce, oublier des paroles qui jamais n’auraient dû être prononcées et dont je vous demande de nouveau très humblement pardon.

Nous avons dit que Valentine n’avait aucune expérience de la vie ; elle avait de plus ce malheur qui rend une femme si séduisante : ses yeux et le contour de sa bouche exprimaient à l’instant tout