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ROMANS ET NOUVELLES

pas le temps de s’arrêter à l’examen de cette circonstance ; toute son âme était occupée à résoudre cette question assez embarrassante : « Si Féder n’est pas un homme aimable, qu’est-il donc ? Faut-il le ranger dans la classe des ennuyeux ? » Or elle avait trop d’esprit pour répondre affirmativement à cette seconde question.

Tout le reste de la journée fut par elle employé à l’examiner. Le soir, au spectacle, car tous les jours la femme de M. Boissaux, vice-président du tribunal de commerce, devait subir le spectacle, elle eut un moment de plaisir ; un acteur aimable, qui remplissait le rôle d’amoureux dans une pièce de M. Scribe, lui sembla, à un certain moment, avoir tout à fait le ton et la manière d’être de Féder. Valentine, sortie à dix-neuf ans seulement du couvent, où l’on dit tant de choses ennuyeuses, en avait rapporté l’heureuse faculté de ne faire pas la moindre attention à ce qu’on disait autour d’elle. Cependant, dans la voiture, au retour du spectacle, comme on allait, suivant les lois du decorum, prendre des glaces chez Tortoni, elle entendit prononcer le nom de Féder et tressaillit ; c’était son mari qui disait :

— Ce sera soixante beaux napoléons