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FÉDER

raisons de Delangle, et, si l’on désertait son opinion de la veille, du moins exécuter cette manœuvre, si peu rare en notre siècle, avec toute l’adresse du député le plus maître de sa parole. Surtout il ne fallait point laisser deviner que réellement on mettait un prix infini à faire ce portrait.

Féder eut un instant besoin de tout son esprit pour changer d’opinion aussi rapidement et sans ridicule. Dans cette manœuvre, il oublia son rôle de Werther. Valentine vit ce changement au moment où il avait lieu : elle resta profondément étonnée. Le coup d’œil attentif de Delangle devenait menaçant. Ce que notre héros trouva de moins plat fut de dire qu’une certaine expression de piété et de pureté angélique qu’il trouvait dans la personne dont il s’agissait de faire le portrait l’emportait, sur la paresse. ; il fallait bien l’avouer, la paresse avait été le motif unique de ses refus de la veille. Dans ce moment-ci, il se trouvait fatigué du grand nombre de portraits qu’il avait eu à faire après l’exposition ; mais il avait le projet de faire cadeau d’un tableau représentant la Madone à un couvent de la Visitation auquel il avait des obligations.

— Et, monsieur, quel est ce couvent ? reprit Valentine.

Ce fut le premier mot qu’elle prononça