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ROMANS ET NOUVELLES

matamore, couvert de chaînes d’or, portant une longue barbe noire, et la toisant constamment de la tête aux pieds ; parlant toujours et fort haut, et lui disant même des choses embarrassantes.

Lorsqu’elle vit arriver un jeune homme mince, fort bien fait, vêtu de noir, portant sa montre attachée à un ruban de même couleur, et à son habit un ruban rouge presque imperceptible, et une barbe fort ordinaire, elle serra le bras de son mari, tant sa surprise fut grande.

— Mais ce n’est pas là ce peintre si célèbre ? lui dit-elle.

Et elle commençait à se rassurer, quand son frère vint à parler brutalement de cette épithète de dévote, qui présentait sa piété sous un jour défavorable. À peine si elle osa regarder le jeune peintre ; elle craignait de rencontrer le regard le plus moqueur. Cependant, rassurée par son air modeste et même triste, elle finit par oser lever les yeux. Quels ne furent pas sa joie et son étonnement en trouvant au jeune peintre un regard sérieux et presque ému ! L’extrême timidité, quand elle est réunie à l’esprit, porte à réfléchir avec toute la clairvoyance de la passion sur les moindres circonstances des choses, et augmente l’esprit. C’est ce qui arrivait à Valentine. À la suite du choléra, elle était restée orphe-