Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
RACINE ET SHAKSPEARE

manquait à la fête. Eh bien ! dans tout le Tartuffe, on n’a ri que deux fois, sans plus, et encore fort légèrement. L’on a plusieurs fois applaudi à la vigueur de la satire ou à cause des allusions ; mais on n’a ri, le 4 décembre,

1o Que quand Orgon, parlant à sa fille Marianne de son mariage avec Tartuffe (IIe acte), découvre Dorine près de lui, qui l’écoute ;

2o L’on a ri, dans la scène de brouille et de raccommodement entre Valère et Marianne, à une réflexion maligne que Dorine fait sur l’amour.

Étonné qu’on eût si peu ri à ce chef-d’œuvre de Molière, j’ai fait part de mon observation à une société de gens d’esprit : ils m’ont dit que je me trompais.

Quinze jours après, je retourne à Paris pour voir Valérie[1] ; l’on donnait aussi les Deux Gendres, comédie célèbre de M. Étienne. Je tenais mon exemplaire et mon crayon à la main : l’on n’a ri exactement qu’une seule fois ; c’est quand le gendre, conseiller d’État et qui va être ministre, dit au petit cousin qu’il a lu son placet. Le spectateur rit, parce qu’il a fort bien vu le petit cousin déchirer ce

  1. Valérie ou l’Aveugle, comédie de Scribe et Mélesville. N. D. L. É.