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RACINE ET SHAKSPEARE

Molière le premier des comiques présents, passés et futurs. Il n’y a là-dedans de vrai que la première assertion. Assurément Molière, homme de génie, est supérieur à ce benêt qu’on admire dans les Cours de littérature, et qui s’appelle Destouches.

Mais Molière est inférieur à Aristophane.

Seulement, le comique est comme la musique : c’est une chose dont la beauté ne dure pas. La comédie de Molière est trop imbibée de satire pour me donner souvent la sensation du rire gai, si je puis parler ainsi. J’aime à trouver, quand je vais me délasser au théâtre, une imagination folle qui me fasse rire comme un enfant.

Tous les sujets de Louis XIV se piquaient d’imiter un certain modèle, pour être élégants et de bon ton, et Louis XIV lui-même fut le dieu de cette religion. Il y avait un rire amer quand on voyait son voisin se tromper dans l’imitation du modèle. C’est là toute la gaieté des Lettres de madame de Sévigné. Un homme, dans la comédie ou dans la vie réelle, qui se fût avisé de suivre librement, et sans songer à rien, les élans d’une imagination folle, au lieu de faire rire la société de 1670, eût passé pour fou[1].

  1. Le théâtre de la foire de Regnard, Lesage et Dufresny, n’a aucun rang en littérature ; peu de gens l’ont lu. Il en est de même de Scarron et Hauteroche.