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DE QUELQUES OBJECTIONS

Félix[1] ? Je n’aime que celles-là, celles qui sont prises ailleurs ont un goût détestable… » J’embrassai mon ami et le pris sur mes genoux ; il était parfaitement ridicule. Je fis comme une grande dame pour Rousseau, je voulais voir de plus près son ridicule. En l’examinant, je remarquai qu’il était vêtu d’une casaque bleue avec une ceinture de cuir, je lui dis : « Vous voilà en Cosaque ? — Non, monsieur, je suis en Gaulois ; » et je vis que la mère, jolie femme sérieuse de vingt-cinq ans, me regardait de mauvais œil, pour avoir eu la maladresse de ne pas reconnaître l’habit gaulois ; c’est qu’il faut être en Gaulois.

Comment veut-on que mon petit ami songe à vingt ans à autre chose au monde qu’à ses éperons et à sa mine militaire et bourrue entrant au café ? Me voilà tranquille pour la génération qui s’élève ; le ridicule n’y manquera pas, ni la comédie non plus, si nous savons nous défaire de la censure et de la Harpe. Le premier est l’affaire d’un instant ; le bon goût à acquérir est une chose plus longue : il faudra peut-être trois cents pamphlets et six mille articles littéraires signés Dussault.

Molière savait aussi bien et mieux que Regnard l’art de tirer du comique des choses les plus odieuses ; mais la dignité que Louis XIV avait fait passer dans les mœurs s’opposait à ce qu’on goûtai ce genre. Pour ridiculiser les médecins, il faut

  1. Pâtissier dans le passage des Panoramas.