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RACINE ET SHAKSPEARE

peu d’attention et de la logique nécessaire pour comprendre toute la beauté de ce trait magnanime et toutes ses conséquences.

Nul doute que Molière n’ait bien mérité de Louis XIV, en disant aux femmes, représentées par Bélise : « Gardez-vous d’acquérir des idées. »

… Une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
À connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse.

(Les Femmes savantes, acte II, scène vii.)

Ce n’est point Louis XIV que je blâme ; il faisait son métier de roi. Quand ferons-nous le nôtre, nous hommes nés avec six mille francs de rente ? La preuve que Louis XIV voyait juste, c’est qu’une petite bourgeoise de Paris, la fille d’un simple graveur, trop pauvre pour aller au spectacle, et qui peut-être n’avait jamais vu les Femmes savantes, madame Roland, a fait manquer par un esprit pénétrant plusieurs grands projets savamment combinés par les conseillers secrets de Louis XVI. Il est vrai qu’elle avait eu la sottise de lire dans sa jeunesse ; et je viens de voir gronder à fond une jeune fille charmante, quoiqu’elle n’ait que douze ans, parce qu’elle avait osé ouvrir un livre que lit sa mère, le livre le plus honnête du monde. Là-dessus est arrivé le maître de musique, qui lui a fait chanter, en ma présence, le duetto de l’Italiana in Algeri :