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DE QUELQUES OBJECTIONS

femme qui n’aurait pas une vanité assez robuste pour vivre uriquement de jouissances de cette espèce serait fort malheureuse ; elle ne trouverait que du vide dans tout ce qui fait les plaisirs des autres femmes ; elle passerait pour singulière ; la société qu’elle offenserait à son insu, par sa manière particulière de sentir, serait juge et partie contre elle, et la condamnerait tout d’une voix. Je vois au bout de trois ans cette femme perdue de réputation, et, en même temps, la seule digne d’être aimée. Il est vrai qu’on peut rompre le cours de cette méchante sollise du public par un séjour de six mois à la campagne.

La manie raisonnante et l’amour des chartes s’étant, par malheur, emparé des peuples, l’esprit de charte en faisant son tour d’Europe, apercevra un jour à ses pieds les vieilles convenances, et les brisera d’un coup d’aile. Alors tombera cette maxime célèbre, le palladium du savoir-vivre de nos grands pères : Il faut être comme un autre ; alors aussi paraîtra la décrépitude de Molière.

L’amour, le grand amour passionné, et, à son défaut, les sentiments de famille, fondés sur la tendresse sentie en commun pour les enfants, voilà les liens puissants qui nous attachent aux femmes, dès notre début dans la vie. Plus tard, notre bonheur serait encore de vivre auprès d’elles ; un peu froissés par l’égoïsme et les tromperies des hommes, que nous connaissons trop