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DE QUELQUES OBJECTIONS

vieillerie : « la beauté de la morale des religions. » L’essentiel, dont on ne parle pas, est de créer des intérêts qui portent à suivre, jusqu’à tel ou tel degré d’héroïsme, telle bonne morale.

Molière a peint avec plus de profondeur que les autres poëtes ; partant il a été plus moral : rien de plus simple. La moralité est dans le fond des choses. Plus on sera philosophe, plus on verra que la vertu est le chemin le plus probable du bonheur ; que dans les palais, comme sous le toit domestique, il n’y a guère de bonheur sans justice. Tout père tyran se dit quelquefois que, quinze jours après sa mort, sa famille se trouvera plus heureuse. Mais ces grandes questions font grimacer Thalie.

Dès que vous dogmatisez au théâtre, dès que vous injuriez un parti, dès que vous argumentez sur un point douteux, ceux de vos auditeurs qui ont de l’esprit s’imaginent que vous portez un défi à leur vanité. Au lieu de rire des ridicules de vos personnages, ou de sympathiser avec leurs malheurs, ils se mettent à chercher des arguments contraires aux vôtres. C’est ainsi que tout mélange de politique tue les ouvrages littéraires.

Molière est immoral. À ce mot, je vois les pédants me sourire. Non, messieurs, Molière n’est pas immoral, parce qu’il prononce le mot de mari trompé ou de lavement[1] ; on disait ces mots-là de son temps, comme

  1. Voir, dans madame Campan, la réponse de Louis XVI.