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PRÉFACE

Il n’est pas moins logique envers ses propres goûts quand il affirme que Racine en 1823 écrirait tout autrement qu’il ne faisait en 1670. N’avait-il pas eu pourtant la prétention amusante, quand il s’adonnait autrefois à ciseler sa comédie : Letellier, de se faire un vocabulaire contemporain de Racine et de Corneille ? Il ne persévéra pas, il est vrai, dans cette erreur de jeunesse. Il la combattra même âprement dans Racine et Shakspeare dirigeant ses coups les plus rudes sur cette espèce d’amateur infatué qu’il était lui-même en 1804.

Il ne faut cependant pas imaginer qu’il admire Shakspeare comme une brute. En dépit de sa tendresse pour lui, il ne veut pas qu’on l’imite, et il ne craint pas même d’écrire : « L’esprit français repoussera surtout le galimatias allemand que beaucoup de gens appellent romantique aujourd’hui. »

Découvrant sous sa plume plus d’une déclaration de cette sorte, certains critiques, on le comprend, se sont crus autorisés à prétendre que Stendhal n’était point romantique. Pour excessif qu’il soit ce jugement paraîtra cependant assez fondé à ceux qui assimilent un peu sommairement romantisme et maladie, surtout si l’on songe combien l’auteur de La Chartreuse était encore indemne de cette sensibilité larmoyante que nous voyons poindre déjà dans toute une