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DE LA LANGUE ITALIENNE


COMPLIMENT À MONTI[1]
Compliment pour la fin de l’ouvrage de grammaire.
22 mars 1818.

Milan ne sent peut-être pas tout l’avantage de posséder dans son sein l’un des deux meilleurs hommes chez lesquels existe encore, en ce siècle sérieux et rembruni, le feu sacré de la poésie. Celui qui, accablé des chagrins que les révolutions ont si fort multipliés autour de nous, veut soulager son âme avec un peu de belle poésie nouvelle, est obligé d’ouvrir les œuvres de lord Byron ou celles de notre immortel Monti. La France et l’Allemagne sont muettes ; le génie poétique, éteint chez ces nations, n’est plus représenté que par des foules de versificateurs assez élégants ; mais le feu du génie manque toujours ; mais si on veut les lire, toujours l’ennui, comme un poison subtil, se glisse peu à peu dans l’âme du lecteur ; ses yeux deviennent petits, il s’efforce de lire, mais il bâille, il s’endort, et le livre lui tombe des mains.

Qu’il y a loin de cette triste manière d’être qui termine tous nos efforts pour lire les poëtes contemporains, au feu qu’on sent courir dans ses veines en lisant la Mascheroniana ou les élégies !

  1. Ce fragment avait été déjà publié par Colomb dans son édition de 1854. N. D. L. É.