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DE LA LANGUE ITALIENNE

Toutes nos idées abstraites et généralisées n’ont d’autre soutien dans notre esprit que le signe qui les représente. On sait par l’exemple des sauvages que sans noms de nombre, nous pourrions à peine avoir nettement l’idée de six.

Les mouvements internes de notre cerveau par lesquels s’opèrent nos pensées sont très légers, ébranlent fort peu la machine humaine. Au contraire, le signe que je joins à une idée, le mot six par exemple que ma langue prononce et que mon oreille écoute, ébranle assez fortement toute ma personne.

Je dirai aux jeunes gens qui ont étudié les mathématiques que nous sommes aussi réellement conduits (mais non pas aussi sûrement) par les mots dans nos raisonnements que l’algébriste par ses formules dans ses calculs.

À mesure que nous faisons de nouvelles combinaisons de nos idées, le nombre de nos signes augmente. Plus nos signes expriment des nuances délicates, plus nos analyses deviennent fines.

On voit l’immense étendue de l’absurdité des Toscans et des pédants leurs adorateurs qui veulent que nous exprimions toutes nos idées du dix-neuvième siècle avec les signes en usage au quatorzième. Nous avons un bel exemple de l’effet d’un système aussi absurde dans l’Histoire d’Amérique, par M. Botta. Ce littérateur distingué a voulu exprimer toutes les circonstances du gouvernement représentatif, qui a été inventé