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DE LA LANGUE ITALIENNE

des raisons invincibles, ose à peine les proposer, un esclave révolté qui n’ose rencontrer les yeux de son maître, un soldat couvert des lauriers, et qui ayant des droits certains et évidents à la possession d’une vaste plaine, sera trop heureux si le maître irrité veut bien lui accorder la possession d’un petit champ.

Frappé de ce contraste[1] unique dans l’histoire des langues qui se partagent l’Europe, j’étudie l’histoire de ce jardin du monde, de cette belle Italie qui conquit tous les autres peuples du temps des Romains, qui les civilisa sous Léon X, qui, sous Grégoire VII, sans avoir un soldat, fut une seconde fois la maîtresse du monde, et qui aujourd’hui coupée en morceaux par le ciseau des Parques, règne encore sur les autres peuples par l’empire des plus doux plaisirs. Dès que les barbares fatigués de leurs querelles sanglantes veulent oublier leurs blessures, et cicatriser les plaies de leurs cœurs, nous les voyons accourir dans

  1. Sur le verso de la feuille précédente : Frappé de ce contraste mi sento strascinato a fare qualche riflessione sullo spirito della lingua, sulle circonstanze che hanno contribuito a svilupparla, sull’ingegno e passioni di qu’uomini dai quali essa ricevette forma ed anima, e sulla capacità e passioni di quelli che assonsero di raccogliere le voci della lingua e darne li precetti. Finalmente andrò di leggero esaminando se quella lingua che poteva, o potè essere un mezzo sufficiente per esprimare i pensieri dal 1200 sino al 1700, poteva esserlo egualmente sino al 1800, e possa in buona fede poi ritenersi da quest’epoca in avvenire.

    Stendhal indique ici en note qu’il avait en vue un passage du Discours sur l’universalité de la langue française de Rivarol. N. D. L. É.