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QU’EST-CE QUE LE ROMANTICISME ?

les ouvrages de nos pédants italiens, ceux qui ont sept éditions en deux mois, comme les poëmes romantiques qui paraissent en ce moment à Londres[1] ?

Voici une différence curieuse : on a revu en Angleterre les aventures qui animèrent la poésie des siècles grossiers ; mais il s’en faut bien que les personnages agissent et parlent, après leur résurrection, exactement comme à l’époque reculée de leur vie réelle et de leur première apparition dans les arts. On ne les produisait pas alors comme des objets singuliers, mais tout simplement comme des exemples de la manière d’être ordinaire.

Dans cette poésie primitive, nous avons plutôt les résultats que la peinture des passions fortes ; nous trouvons plutôt les événements qu’elles produisaient que le détail de leurs anxiétés et de leurs transports.

En lisant les chroniques du moyen âge, nous, les gens sensibles du dix-neuvième siècle, nous supposons ce qui a dû être senti par les héros ; nous leur prêtons généreusement une sensibilité aussi impossible chez eux que naturelle chez nous.

En faisant renaître les hommes de fer des siècles reculés, les poëtes anglais seraient allés contre leur objet si les passions ne se peignaient, dans leurs vers, que par les vestiges gigantesques d’actions énergiques ;

  1. Comparez le succès de Lallah-Roock de M. Moore, qui a paru en juin 1817, et dont j’ai sous les yeux la onzième édition, au succès du Camillo du très-classique M. Botta !