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QU’EST-CE QUE LE ROMANTICISME ?

que perdre leur temps à lire une froide dispute sur le romanticisme. Je resserre donc le plus possible l’expression de mes idées ; j’espère n’être pas obscur, mais seulement bref.

L’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne, sont entièrement et pleinement romantiques. Il en est autrement en France. La dispute est entre M. Dussault et l’Edinburgh-Review, entre Racine et Shakspeare, entre Boileau et lord Byron.

C’est un combat à mort. Racine met toujours en récit pompeux et emphatique ce que Shakspeare se borne à mettre sous nos yeux. Si le poëte anglais l’emporte, Racine est enterré comme ennuyeux, et tous les petits tragiques français le suivent dans sa tombe.

Par exemple, je défie tous les classiques du monde de tirer de tout Racine un ballet comme le sublime ballet d’Otello.

Voltaire a été combattu par les Fréron et les Desfontaines, comme étant romantique. Voyez la rapidité de notre victoire : aujourd’hui nous citons Voltaire en exemple du genre classique. Sa Zaïre n’est qu’une copie maigre, décolorée et surtout romanesque, du terrible More de Venise.

« Mais quoi ! disent les partisans du genre classique, vous voulez que je puisse supporter un Macbeth, dont la première scene est une plaine déserte, voisine d’un champ de bataille, et dont la seconde saute tout à coup à la cour du roi d’Écosse Duncan ? »