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PRÉFACE

« Si un Romantique était ici présent, je ne fais aucun doute, messieurs, qu’il ne se permît, dans quelque misérable pamphlet, de rendre un compte ridicule de nos travaux si importants pour la gloire nationale. Je sais bien que nous dirons qu’il y a un manque de goût scandaleux dans de tels ouvrages, qu’ils sont grossiers. D’après un exemple officiel, nous pourrons même aller jusqu’à les traiter de cyniques. Mais voyez, messieurs, comme tout change ; il y a quarante ans qu’un tel mot eut suffi pour perdre non-seulement le livre le plus travaillé, mais encore son malheureux auteur. Hélas ! naguère ce mot cynique, appliqué aux écrits de certain Vigneron, homme sans existence et qui n’a pas même de voiture, n’a servi qu’à faire vendre vingt mille exemplaires de son pamphlet. Vous voyez, messieurs, l’insolence du public et tous les dangers de notre position. Sachons nous refuser le plaisir si doux de la vengeance : sachons ne répondre que par le silence du mépris à tous ces auteurs Romantiques, écrivant pour les exigences d’un siècle révolutionnaire, et capables, je n’en doute point, de ne voir dans quarante personnages graves, se rassemblant à jours fixes pour ne rien faire, et se dire entre eux qu’ils sont ce qu’il y a de plus remarquable dans