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pensées


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Quantité de bonheur et de malheur donnée par chaque passion

Telle passion donne plus ou moins de bonheur, plus ou moins de malheur que telle autre. Cela est facile à voir.

Prenons la haine à son maximum avec les événements les plus favorables.

L’amour à son maximum avec aussi les événements les plus propres à procurer à l’amoureux par son amour la plus grande masse de bonheur possible.

Voilà pour la production du bonheur par les passions ; actuellement pour celle du malheur, prenons la haine à son maximum ; — et l’amour à son maximum. Faisons arriver au haineux et à l’amoureux les événements propres à donner la plus grande masse de malheur à chacun par la passion dont il est animé.

Lisons dans notre cœur ses sentiments, nous connaîtrons la quantité de bonheur et de malheur que ces deux passions peuvent nous donner.

Mais peut-être que le cœur capable de la plus grande haine n’est pas capable du plus grand amour. Il paraît par exemple que la plus grande haine de La Fontaine aurait été, peut-être, à peine une petite inimitié pour Libère.