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pensées

prenait, et que je pris moi-même hier, aux compliments que Damis (dans la Métromanie) fait à Lucile. Le faux raisonnement en vertu duquel nous sourions de plaisir est très commun au théâtre. Nous disons : je comprends ce compliment, donc je suis en état d’en faire autant.

Pour le caractère de Ch[amoucy], je suis comme un homme qui voudrait à toute force tracer des chemins dans une grande plaine, sans savoir où il veut aller. Il faut pour que je puisse le montrer agissant que je lui donne des objets de désir, ou plutôt ne vaudrait-il pas mieux le montrer sans passions, sans désirs, ennuyé de tout ? Je puis en faire un ennuyé de tout, ou un courtisan ennuyé de tout.

L’éducation qu’il a reçue peut en faire un homme sans passions. Cette première supposition donnerait un indolent qui n’est pas propre à ma pièce ; elle peut en faire 2o un homme n’ayant d’autre passion que la vanité, passion satisfaite à peu près par les succès qu’il a sans sortir de son état et ne le poussant au désir des places qu’autant qu’elle n’est pas satisfaite dans son état.

3o elle peut en faire un ambitieux par volupté, ou par amour des honneurs, et de la vaine pompe qu’il recueillera lorsqu’il sera élevé en place, Elle en peut faire