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MOLIÈRE

objet, et des scènes qui, étant un peu faibles pour nous, sont bien intelligibles pour lui. Quant à moi, cette pièce m’ennuie, et il me semble que la plus grande partie du peu d’effet qu’elle produit vient du style qu’on peut presque dire parfait. Je suis convaincu que la vie privée de Mme Dacier donnait des traits plus forts que ceux de la pièce.

Voir le jugement du P. Rapin rapporté par Geoffroy, feuilleton du 2 novembre ou du 3, et celui de Bussy Rabutin, je crois, dans le recueil des lettres de ce dernier. Ce jugement que Geoffroy n’a pas l’air de trop approuver est assez conforme au mien. Sur chaque pièce de Molière, tâchez d’avoir le jugement des contemporains, quand même ils ne vaudraient rien, on y aperçoit toujours de quelle hauteur l’écrivain s’est élancé. Se rappeler toujours dans les arts que si Cimabue fût né de nos jours, sans doute il eût été très supérieur à David quoique les tableaux de ce dernier valent infiniment mieux que ceux de Cimabue.

Hier, au théâtre, je me suis fait cette question : quelle est la plus forte passion des femmes ? inspirer de l’amour aux hommes. Admettons dans la tête d’une femme un seul grain de folie qui consiste dans ce raisonnement : « La science est