Page:Stendhal - Molière, Shakspeare, la Comédie et le Rire, 1930, éd. Martineau.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
208
SHAKSPEARE

une image frappante pour le peuple, mais n’est pas dans la nature.

La scène de conspiration, acte second, nous paraît au-dessous de Shakspeare. Les conjurés n’ont point la chaleur brûlante que suppose l’action de conspirer la veille pour exécuter le lendemain. Ils n’ont point de chaleur. Le spectateur ne voit point les moyens qu’emploieront les conjurés pour tuer César. Shakspeare aurait dû les montrer comme fait Cinna de Corneille. Ce qui se dessine bien, c’est la pureté du caractère de Brutus : une âme tendre qui aime César et qui voit qu’il est nécessaire de le tuer. Il dit : « Nous serons nommés des purificateurs et non des assassins. »

Tout ce qui suit jusque, et compris, le meurtre de César nous paraît froid et vide. Cela nous paraît bien éloigné de la manière substantielle dont est peint le caractère de Shylock. Il fallait nous expliquer le mécanisme du gouvernement romain et nous montrer que les rouages existant, la suppression de César les rendrait à leur mouvement naturel et ferait ainsi renaître la liberté. Il fallait que les conjurés conviennent d’avance et avec exactitude des choses à faire aussitôt après la mort de César. Ils devaient ne pas hésiter à sacrifier Antoine. Au lieu de cela,