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L’AVARE

On objecte que l’Avare, se soumettant encore à un certain faste, n’est pas l’avare pur ; on répond que l’avare pur ayant cent mille livres de rentes et vivant avec 10 sols par jour, ne donnerait au parterre que le plaisir de la singularité, on dirait c’est un personnage de petites maisons (voir l’excellent M. Edger, Bibliothèque britannique, vers 1804). Mais quel homme peut dire à son voisin : Vous avez tort de chercher le bonheur par ce chemin.

Nous avons conçu l’Avarice, Seyssins et moi, en nous supposant économisant et dînant avec 30 sols pour faire un grand voyage qui exige 100 louis. Parvenus à cette somme l’habitude est prise, l’on trouve du plaisir aux privations, par l’effet de la passion de voyager. Ayant ces

    Nous avons résolu d’ouvrir un compte à chaque passion, aux états dans lesquels cette passion fait passer l’âme, et enfin aux habitudes de l’âme. Il faut chercher surtout à nous garantir du vague. Chaque soir nous écrirons les traits d’avarice, d’amour, de dureté que nous aurons observés. On peut même dire que les traits n’auront de mérite qu’autant qu’ils seront très détaillés. Dire que M. de Barral était très avare, c’est ne rien dire : mais l’histoire de la manche, ou celle du bouillon à la seringue, peint l’homme, et six cents anecdotes de cette force observées et décrites par nous ; nous aurions une connaissance de l’homme infiniment supérieure à celle que nous pourrions obtenir par les livres, et nous pourrions enfin répondre à cette question : que fera tel bourgeois dans telle situation donnée ?

    Nous écrirons à côté de chaque passion, état de l’âme, habitude, etc. le nom du personnage historique et poétique qui nous paraîtra avoir éprouvé de la manière la plus remarquable l’état de l’âme dont il est question… » N. D. L. É.