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MOLIÈRE

route, la mort d’un ami, la perte d’une place, etc. Il faut qu’il y ait un ridicule particulier attaché au malheur d’être cocu, qui est un grand malheur, car il y a des Meinau (Misantropie et Repentir) dans le monde[1].

Pourquoi donc rit-on ? Ne serait-ce pas parce qu’un mari est un ennemi du public, qui retient un trésor qui devrait circuler. Ex[poser]ce malheur.


LUBIN

Le mari, à ce qu’ils disent, est un jaloux qui veut pas qu’on fasse l’amour à sa femme ; et il feroit le diable à quatre, si cela venoit à ses oreilles. Vous comprenez bien ?

  1. Du cocuage. Pourquoi ce malheur qui en est un très réel (voyez Meinau, Misanthropie et Repentir) fait-il rire quand nous voyons qu’un homme acquiert de grandes probabilités qu’il va l’être ? Comme G. Dandin, dans sa conversation avec Lucas (acte 1er) sommes-nous assez philosophes pour sentir que si quelque chose est fait pour tuer l’amour, c’est le mariage ? Est-ce par haine contre les maris qui retiennent un effet qui doit circuler et s’opposent seuls au bonheur de tous ? Le fait est que nous ne sympathisons jamais avec le cocu.

    Est-ce que ce malheur n’a rien d’odieux parce qu’on sent qu’au fond, ce n’est pas un grand malheur ? Ou sent-on qu’on y gagne rien de bon à gêner les femmes et que celà les fait songer à mal ? Ou enfin ne sympathisons-nous pas, par l’habitude de voir ce malheur ridiculisé ? Un allemand, M. Empérius, est très capable de sympathiser à ce malheur.

    Ce malheur jette par terre la vanité d’un homme qui avait une prétention à notre égard : celle que nous n’aurions pas sa femme. L’homme qui craint passionnément d’être cocu n’a qu’à perdre dans le monde.