Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Coffe vit par ses discours qu’il en était encore à deviner l’objet de la mission de Leuwen, et cependant celui-ci lui avait envoyé la veille au soir une lettre du ministre on ne peut pas plus explicite.

Les audiences de l’avant-dîner furent de plus en plus absurdes. Leuwen, qui avait le tort d’avoir agi le matin avec trop d’intérêt, était mort de fatigue dès deux heures après-midi, et n’avait pas une idée. Alors, il fut parfaitement convenable et le préfet prit une grande idée de lui. Aux quatre ou cinq dernières audiences, qui furent individuelles, et accordées aux personnages les plus importants, il fut parfait, et de l’insignifiance la plus convenable. Le préfet tenait à faire voir par Leuwen M. le grand vicaire Crochard ; c’était un personnage maigre, une figure de pénitent, et à ses discours Leuwen le trouva fait à point pour recevoir vingt-cinq louis et faire agir à sa guise une douzaine d’électeurs jésuites.

Tout alla bien jusqu’au dîner. À six heures, le salon du préfet comptait quarante-trois personnages, l’élite de la ville. La porte s’ouvrit à deux battants, mais M. le préfet fut consterné en voyant Leuwen paraître sans uniforme. Lui préfet, le général, les colonels, étaient en grande tenue. Leuwen, excédé de fatigue et d’ennui