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et en a beaucoup. En un mot, on ne peut rien voir de pis.

— Je ferai mon possible pour vous en préserver.

Sur ce mot, dit très froidement, le ministre quitta la loge. Il dut rendre le salut à cinquante personnes et serrer huit ou dix mains avant d’arriver à sa voiture, dans laquelle il fit monter Lucien

— Tirez-vous de cette affaire aussi bien que de celle de Kortis, dit-il à Lucien qu’il voulut absolument conduire place de la Madeleine, et je dirai au roi que l’administration n’a aucun sujet qui vous soit supérieur. Et vous n’avez pas vingt-cinq ans ! Vous pouvez aller à tout. Je ne vois que deux obstacles : aurez-vous le courage de parler devant quatre cents députés, dont trois cents imbéciles ? Saurez-vous vous garantir du premier mouvement, qui chez vous est terrible ? Surtout, tenez-vous ceci pour dit et dites-le aux préfets : n’en appelez jamais à ces sentiments prétendus généreux et qui tiennent de trop près à l’insubordination des peuples.

— Ah ! dit Lucien avec douleur.

— Qu’est-ce ?

— Ceci n’est pas flatteur.

— Rappelez-vous que votre Napoléon n’en voulut pas, même en 1814, quand l’ennemi avait passé le Rhin.