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homme très dévot, très dévoué, mais qui me fait l’effet d’un imbécile. Vous serez accrédité auprès de lui. Vous aurez de l’argent à distribuer sur les bords de la Loire et, de plus, trois débits de tabac. Je crois même qu’il y a aussi deux directions de la poste aux lettres. Le ministre des Finances ne m’a pas encore répondu à cet égard, mais je vous dirai cela par le télégraphe. De plus, vous pourrez faire destituer à peu près qui vous voudrez. Vous êtes sage, vous userez de tous ces droits avec discrétion. Ménagez l’ancienne noblesse et le clergé : entre eux et nous, il n’y a que la vie d’un enfant. Point de pitié pour les républicains, surtout pour ces jeunes gens qui ont reçu une bonne éducation et n’ont pas de quoi vivre. Le Mont-Saint-Michel ne les tient pas tous. Vous savez que mes bureaux sont pavés d’espions, vous m’écrirez les choses importantes sous le couvert de monsieur votre père.

Mais l’élection de Champagnier ne me chagrine pas infiniment. M. Malot, le libéral rival du Blondeau, est un hâbleur, un exagéré, mais il n’est plus jeune et s’est fait peindre en uniforme de capitaine de la garde nationale, bonnet de poil en tête. Ce n’est point un homme du parti sombre et énergique. Pour me moquer de lui, j’ai dissous sa garde huit jours après. Un tel