Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voit ce ridicule, répondit Lucien piqué, il n’existe pas. Le ridicule a besoin d’être vu, ou il n’existe pas. »

En rentrant à Paris, Lucien passa au ministère ; il se fit annoncer chez M. de Vaize et lui demanda un congé d’un mois. Ce ministre, qui depuis trois semaines ne l’était plus qu’à demi, et vantait les douceurs du repos (otium cum dignitate, répétait-il souvent), fut étonné et enchanté de voir fuir l’aide de camp du général ennemi.

« Qu’est-ce que cela peut vouloir dire ? » pensait M. de Vaize.

Lucien, muni de son congé en bonne forme, écrit par lui et signé par le ministre, alla voir sa mère, à laquelle il parla d’une partie de campagne de quelques jours.

— De quel côté ? demanda-t-elle avec anxiété.

— En Normandie, répondit Lucien, qui avait compris le regard de sa mère.

Il avait eu quelques remords de tromper une si bonne mère, mais la question : de quel côté ? avait achevé de les dissiper.

« Ma mère hait madame de Chasteller, » se dit-il. Ce mot était une réponse à tout.

Il écrivit un mot à son père, passa à cheval chez madame Grandet qu’il trouva bien faible, il fut très poli et promit de repasser dans la soirée.