Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE LXVI


Lucien avait encore[1] la mauvaise habitude et la haute imprudence d’être naturel dans l’intimité, même quand elle n’était pas amenée par l’amour vrai. Dissimuler avec un être avec lequel il passait quatre heures tous les jours eût été pour lui la chose la plus insupportable. Ce défaut, joint à sa mine naïve, fut d’abord pris pour de la bêtise, et lui valut ensuite l’étonnement, et puis l’intérêt de madame Grandet, ce dont il se serait bien passé. Car s’il y avait dans madame Grandet la femme ambitieuse, parfaitement raisonnable, soigneuse de la réussite de ses projets, il y avait aussi un cœur de femme qui jusque-là n’avait point aimé. Le naturel de Lucien était en apparence bien ridicule auprès d’une femme de vingt-six ans envahie par le culte de la considération et de l’adoration du privilège qui procure l’appui de l’opinion noble. Mais par hasard, de

  1. Première entrevue après la lettre de madame Grandet.