Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la forme. Toute cette éloquence onctueuse et imitée de Fénelon exhale, pour qui a des sens fins, une odeur fine et pénétrante de coquinerie et de friponnerie.

« Chez la madame de Marcilly de Paris je pourrais prendre peu à peu l’habitude de cette absence d’intérêt pour ce que je dis et de ces expressions diminuant ma pensée que ma mère me recommande souvent. Je commence bien quelquefois à me repentir de ne pas avoir eu ces vertus du XIXe siècle, mais je m’ennuierais moi-même ; je compte que la vieillesse y pourvoira.

« Je remarque que l’effet assuré de cette espèce d’élégance chez le petit nombre de jeunes habitants du faubourg Saint-Germain, gens qui ont pu l’acquérir sans laisser leur bon sens à l’école, est de répandre autour de l’homme accompli une méfiance profonde. Ces discours élégants sont comme un oranger qui croîtrait au milieu de la forêt de Compiègne : ils sont jolis, mais ne semblent pas de notre siècle.

« Le hasard n’a pas voulu me faire naître dans ce monde-là. Et pourquoi me changer ? Que demandé-je au monde ? Mes yeux me trahiraient, et madame de Chasteller me l’a dit vingt fois… »

Son parler si coulant fut interrompu net, comme jadis celui de cet homme faible