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pas sans charmes pour madame Leuwen, elle finit par convenir de cette vérité. Elle se borna à soutenir que Lucien était trop jeune pour pouvoir être présenté au public, et surtout aux Chambres, comme un homme d’affaires, un homme politique.

— Il a le tort d’avoir une tournure élégante et d’être vêtu avec grâce. Mais je compte, à la première occasion, faire la leçon là-dessus à madame Grandet… Enfin, ma chère amie, je compte avoir tout à fait chassé madame de Chasteller de ce cœur-là, et, je puis vous l’avouer aujourd’hui, elle me faisait trembler.

Il faut que vous sachiez que Lucien a un travail admirable. J’ai d’admirables nouvelles de lui par le vieux Dubreuil, sous-chef de bureau depuis mon ami Crétet, il y a vingt-neuf ans de cela. Lucien expédie autant d’affaires au ministère que trois chefs de bureau. Il ne s’est laissé gâter par aucune des bêtises de la routine que les demi-sots appellent l’usage, le trantran des affaires. Lucien les décide net, avec témérité, de façon à se compromettre peut-être, mais de manière aussi à ne pas avoir à y revenir, il s’est déclaré l’ennemi du marchand de papier du ministère et veut des lettres en dix lignes. Malgré la leçon qu’il a eue à Caen, il opère toujours de cette façon hardie et ferme.