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cette démarche, il n’y a que de la haute sagesse, de la prudence ; je n’y attache certes l’idée d’aucun plaisir. »

Après s’être sinon rassérénée tout à fait, du moins bien rassurée de ce côté féminin, madame Grandet s’abandonna de nouveau à la douce contemplation des suites probables du ministère pour sa position dans le monde…

« Un nom qui a passé par le ministère est célèbre à jamais. Des milliers de Français ne connaissent des gens qui forment la première classe de la nation que les noms qui ont été ministres. »

L’imagination de madame Grandet pénétrait dans l’avenir. Elle peuplait sa jeunesse des événements les plus flatteurs.

« Être toujours juste, toujours bonne avec dignité, et avec tout le monde, multiplier mes rapports de toutes sortes avec la société, remuer beaucoup, et avant dix ans tout Paris retentira de mon nom. Les yeux du public sont déjà accoutumés, il y a du temps, à mon hôtel et à mes fêtes. Enfin, une vieillesse comme celle de madame Récamier, et probablement avec plus de fortune. »

Elle ne se demanda qu’un instant, et pour la forme :

« Mais M. Leuwen aura-t-il assez d’in-