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Ces messieurs bredouillèrent et firent des excuses.

M. Leuwen alla solliciter l’aide de camp de service de Sa Majesté, et moins de quinze jours après ces quatre députés, plus obscurs qu’aucun de la Chambre, furent engagés à dîner chez le roi. M. Cambray fut tellement comblé de cette faveur inespérée qu’il tomba malade et ne put en profiter.

Le lendemain du dîner chez le roi, M. Leuwen pensa qu’il devait profiter de la faiblesse de ces bonnes gens, auxquels l’esprit seul manquait pour être méchants.

— Messieurs, leur dit-il, si Sa Majesté m’accordait une croix, lequel de vous devrait être l’heureux chevalier ?

Ces messieurs demandèrent huit jours pour se concerter, mais ils ne purent tomber d’accord. On alla au scrutin après dîner, suivant un usage que M. Leuwen laissait exprès tomber un peu en désuétude. On était vingt-sept. M. Cambray, malade et absent, eut treize voix, M. Lamorte quatorze, y compris celle de M. Leuwen. M. Lamorte fut désigné.

Il n’y avait pas la moindre apparence qu’il pût obtenir une croix. « Mais, pensa-t-il, cette idée les empêchera de se révolter. »

M. Leuwen allait assez régulièrement chez le maréchal N…, depuis que ce