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Vaize, sans doute furibond. Son Excellence put entendre le bruit que faisaient en entrant dans le couloir les vingt ou trente commis qui vinrent voir Lucien et lui parler du talent de son père.

Le comte de Vaize était hors de lui. Quoique les affaires l’exigeassent, il ne put prendre sur soi de voir Lucien. Vers les deux heures, il partit pour le Château. À peine fut-il sorti que la jeune comtesse fit appeler Lucien.

— Ah ! monsieur, vous voulez donc nous perdre ? Le ministre est hors de lui, il n’a pu fermer l’œil. Vous serez lieutenant, vous aurez la croix, mais donnez-nous du temps.

La comtesse de Vaize était elle-même fort pâle. Lucien fut charmant pour elle, presque tendre, il la consola de son mieux et lui persuada ce qui était vrai, c’est qu’il n’avait pas la moindre idée de l’attaque projetée par son père.

— Je puis vous jurer, madame, que depuis six semaines mon père ne m’a pas parlé une seule fois sur un ton sérieux. Depuis le long récit de mes aventures à Caen, nous n’avons parlé de rien.

— Ah ! Caen, nom fatal ! M. de Vaize sent bien tous ses torts. Il devait vous récompenser autrement. Mais aujourd’hui, il dit que c’est impossible, après une levée de boucliers aussi atroce.