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les directeurs des Domaines, des Contributions et autres employés supérieurs qui formaient ce dîner fut entièrement engagée avec les nouveaux venus.

« Et moi, je suis délaissé, se dit le préfet. Je suis déjà comme étranger chez moi, ma destitution est sûre, et, ce qui n’est jamais arrivé à personne, je me vois forcé de faire les honneurs de la préfecture à mon successeur. »

Vers le milieu du second service, Coffe, à qui rien n’échappait, remarqua que le préfet s’essuyait le front à chaque instant. Tout à coup, on entendit un grand bruit, c’était un courrier qui arrivait de Paris. Cet homme entra avec fracas dans la salle. Machinalement, le directeur des Impositions indirectes, placé près de la porte, dit au courrier :

— Voilà M. le préfet.

Le préfet se leva.

« Ce n’est pas au préfet de Séranville que j’ai affaire, dit [le] courrier d’un ton emphatique et grossier, c’est à M. Leuwen, maître des requêtes.

« Quelle humiliation ! Je ne suis plus préfet », pensa M. de Séranville. Et il retomba sur sa chaise. Il appuya les deux mains sur la table, et cacha sa tête dans ses mains.

— M. le préfet se trouve mal », s’écria le