Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

interminables, et dont aucun n’avait l’air sincère, tous les moyens pris par lui pour faire perdre leurs procès aux anarchistes. Il se plaignait de sa cour. Les jurés, suivant lui, étaient détestables, le jury était une institution anglaise dont il était important de se délivrer au plus vite.

« Ceci est jalousie de métier », pensa Leuwen.

— J’ai la faction des timides, monsieur le maître des requêtes, j’ai la faction des timides, disait le président ; elle perdra le gouvernement et la France. Le conseiller Ducros, auquel je reprochais son vote en faveur d’un cousin de M. Lefèvre, le journaliste libéral et anarchiste de Honfleur, n’a-t-il pas eu le front de me répondre : « Monsieur le président, j’ai été nommé substitut par le Directoire auquel j’ai prêté serment, juge de première instance par Bonaparte auquel j’ai prêté serment, président de tribunal par Louis XVIII en 1814, confirmé par Napoléon dans les Cent-Jours, appelé à un siège plus avantageux par Louis XVIII revenant de Gand, nommé conseiller par Charles X, et je prétends mourir conseiller. Or, si la république vient, cette fois-ci, nous ne resterons pas inamovibles. Et qui se vengeront les premiers, si ce n’est messieurs les journalistes ? Le plus sûr est