Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces deux fats[1] amusait assez, vit paraître un être exigu, très petit, très mince, fort élégant ; il était dès le matin en pantalon noir collant, avec des bas qui dessinaient la jambe la plus grêle peut-être de son département. À la vue du pamphlet, que Leuwen ne remit dans sa poche que quatre ou cinq mortelles secondes après l’entrée de M. de Séranville, la figure de celui-ci prit une couleur de rouge foncé, couleur de vin. Coffe remarqua que les coins de sa bouche se contractaient.

Coffe trouva que le ton de Leuwen était froid, simple, militaire, un peu goguenard.

« Il est singulier, pensa Coffe, combien l’habit militaire a besoin de peu de temps pour s’incruster dans le caractère du Français qui le porte. Voilà ce bon enfant au fond, qui a été soldat, et quel soldat, pendant dix mois, et toute sa vie sa jambe, son bras, diront : je suis militaire. Il n’est pas étonnant que les Gaulois aient été le peuple le plus brave de l’Antiquité. Le plaisir de porter un signe militaire bouleverse ces êtres-là, mais leur inspire avec la dernière force deux ou trois vertus auxquelles ils ne manquent jamais. »

Pendant ces réflexions philosophiques

  1. Mot trop sévère pour Leuwen, mais dans le caractère de Coffe.