Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec une résolution sévère, ou vous allez me déplaire ; et promenons-[nous].

Leuwen obéit, mais il la regardait, et elle voyait toute la peine qu’il avait à lui obéir et à garder le silence. Peu à peu elle s’appuya sur son bras avec intimité. Des larmes, de bonheur apparemment, vinrent mouiller les yeux de Leuwen.

— Eh ! bien, je vous crois sincère, mon ami, lui dit-elle après un grand quart d’heure de silence.

— Je suis bien heureux ! Mais à peine je ne serai plus avec vous, que je tremblerai. Vous m’inspirez de la terreur. À peine rentrée dans les salons de Nancy, vous redeviendrez pour moi cette divinité implacable et sévère…

— J’avais peur de moi-même. Je tremblais que vous n’eussiez plus d’estime pour moi, après la sotte question que j’avais osé vous adresser au bal…

À ce moment, au détour d’un petit chemin dans le bois, ils ne se trouvèrent plus qu’à vingt pas de deux des demoiselles de Serpierre, qui [se] promenaient en se donnant le bras. Leuwen craignit de voir tout finir pour lui, comme après le regard du bal ; il fut illuminé par le danger, et dit fort vite :

— Permettez-moi de vous voir, demain chez vous.