Page:Stendhal - Le Rouge et le Noir, II, 1927, éd. Martineau.djvu/476

Cette page a été validée par deux contributeurs.
475
un père

feindre de manière à tromper ce vieillard si clairvoyant se trouvait en ce moment tout à fait au-dessus de ses forces.

Son esprit parcourait rapidement tous les possibles.

J’ai fait des économies ! s’écria-t-il tout à coup.

Ce mot de génie changea la physionomie du vieillard et la position de Julien.

— Comment dois-je en disposer ? continua Julien plus tranquille : l’effet produit lui avait ôté tout sentiment d’infériorité.

Le vieux charpentier brûlait du désir de ne pas laisser échapper cet argent, dont il semblait que Julien voulait laisser une partie à ses frères. Il parla longtemps et avec feu. Julien put être goguenard.

— Eh bien ! le Seigneur m’a inspiré pour mon testament. Je donnerai mille francs à chacun de mes frères et le reste à vous.

— Fort bien, dit le vieillard, ce reste m’est dû ; mais puisque Dieu vous a fait la grâce de toucher votre cœur, si vous voulez mourir en bon chrétien, il convient de payer vos dettes. Il y a encore les frais de votre nourriture et de votre éducation que j’ai avancés, et auxquels vous ne songez pas…

Voilà donc l’amour de père ! se répétait