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mensonges

de méchanceté succéda bientôt à celle de l’amour le plus vrai et le plus abandonné.

— Qu’avez-vous donc, mon ami ? lui dit Mathilde avec tendresse et inquiétude.

— Je mens, dit Julien avec humeur, et je mens à vous. Je me le reproche, et cependant Dieu sait que je vous estime assez pour ne pas mentir. Vous m’aimez, vous m’êtes dévouée, et je n’ai pas besoin de faire des phrases pour vous plaire.

— Grand Dieu ! ce sont des phrases que tout ce que vous me dites de ravissant depuis deux minutes ?

— Et je me les reproche vivement, chère amie. Je les ai composées autrefois pour une femme qui m’aimait, et m’ennuyait… C’est le défaut de mon caractère, je me dénonce moi-même à vous, pardonnez-moi.

Des larmes amères inondaient les joues de Mathilde.

— Dès que par quelque nuance qui m’a choqué, j’ai un moment de rêverie forcée, continuait Julien, mon exécrable mémoire, que je maudis en ce moment, m’offre une ressource, et j’en abuse.

— Je viens donc de tomber à mon insu dans quelque action qui vous aura déplu ? dit Mathilde avec une naïveté charmante.

— Un jour, je m’en souviens, passant près de ces chèvrefeuilles, vous avez cueilli